vendredi 2 janvier 2009

Chapitre 4 : Le banquet

Installé aux portes de la villa des Sertorius, Septimus observa l'arrivée de Marius et de sa garde rapprochée. L'imperator excepté, c'était pour la plupart des hommes de hautes tailles, rustiques et trappus. Rien qu'à les voir, on sentait les soldats endurcis par des années de campagnes miltaires. Ce qui frappa surtour Septimus, ce fut la ressemblance de tous ces hommes, comme s'ils suivaient tous une même mode : les cheveux courts, une mèche tombant sur le front, les pattes nettes et nettoyées. Une barbe de quelques jours leur donnait un air impitoyable. L'homme le plus proche de Marius avait une large cicatrice qui partait de la commissure de la lèvre gauche jusqu'à l'oreille. Un tatouage de couleur mauve émergeait du haut de sa tunique.
Marius, au sein de cette faction semblait invulnérable, comme si aucun homme sur l'orbe terrestre n'eût pu lui porter atteinte. Septimus ressentit un sentiment d'admiration mêlé de répulsion. Son coeur battait pour l'héroïsme du consul en charge; parmi les enfants tout le monde parlait de ses victoires militaires sans équivoque, le genre de triomphe dont personne ne doutait. On savait le courage de l'homme, on savait ses décisions opportunes et l'on savait ses vengeances implacables et immuables. Mais d'un autre côté, le spectacle qu'il avait sous les yeux lui glaçait le sang. La violence des ces hommes étaient presque palpable, le sang qui coulait dans leur veine, apparent, et celui qu'ils avaient répandu manifeste.
L'homme à la cicatrice remarqua Septimus et le dévisagea.
"Tiens, petit, lâcha-t-il" en lui tendant un objet mince et oblong, n'oublie jamais la clémence de Marius.
Septimus tendit une main tremblante vers l' homme sans oser le regarder. Il saisit le présent avec appréhension. Car même s'il était le fils d'un tribun de la plèbe réputé et respecté, la tension physique qui se diffusait à l'arrivée de la faction de Marius pesait lourdement sur le jeune Septimus.
Il jeta d'abord un coup d'oeil furtif sur l'objet, dont le poids le surpris : c'était une dague de combat. Sa forme allongée illustrait pleinement sa fonction : pénétrer dans la chair humaine, écarter les tissus et faire couler le sang. L'enfant empauma le fourreau et tira sur le pomeau. Un bruit sec et strident éclata dans l' atmosphère. Septimus sursauta.
A ce moment-là, Una arriva par derrière et lui posa les mains sur les yeux.
"Qui est-ce?"demanda Una.
"Regarde ce que l'on m'a offert, Una" dit Septimus en montrant le couteau. Una, sans vraiment regarder ce dont il s'agissait, arracha le couteau et partit en courant. Mais elle se heurta à l'homme au regard de feu.
"Où vas-tu petite?" Una rétorqua sans se démonter : "Septimus doit m'attraper".
"Alors, faites attention à ne pas vous faire mal."
Serto père apparut sur le seuil de la porte. Tandis que les enfants déguerpissaient en courant dans le patio de la maison, Serto salua la troupe les uns après les autres. Ils se serraient la main. Mais en réalité, c'était l'avant-bras en entier qu'ils se saisissaient. Les manicules faisient un bruit sourd à chaque pougnée de main, claquant l'une sur l'autre. On aurait dit une sorte de geste de reconnaissance. Quand il arriva à Marius, il s'arrêta et leurs regards s'accorchèrent plus longtemps qu'à l'accoutumée. "Bienvenue dit Serto Père, nous vous avons préparé un repas que vous n'êtes pas prêts d'oublier."
Ils emboitèrent alors le pas du maître de maison.
Une heure plus tard, les convives avaient déjà bien bu. Les sangliers farcis et les oies "à la gauloise" avaient fait grand effet. Les enfants avaient en sainte horreur les plats compliqués dont leurs parents raffolaient. Cependant, le temps du dessert, ils ne l'auraient, pour rien au monde, manqué. Et quand le cuisinier frnachit le seuil de la maison pour servir le plat, en personne, sur la terrasse, aux invités, Una et le reste de ses frères et soeurs, se précipitèrent vers les tables.
"Doucement, les enfants s'exclama Quintus, vous allez renverser quelque chose!" Il claqua des doigts afin d'appeler un serviteur. "S'il vous plait, Afrique, faites apporter une autre table pour les enfants, avec un lit - cela devrait suffire." Une pièce montée. Cocus, le cuisinier, avait préparé une pièce montée. Et quelle taille! La hauteur de la construction bravait le regard de l'assemblée.
Des choux avaient été préalablement préparés , remplis d'une crème fouettée onctueuse et sucrée. Cocus ajoutait, pour que sa recette soit réussie, une pincé de sel de Sicile et le tour était joué, les pâtisseries avaient un goût sans pareil. Les enfants adoraient. Afrique, le serviteur entreprit de servir les invités. Il découpa alors avec une habileté saisissante les différentes parties du dessert, sans qu'aucun choux ne tombât. Quand tout le monde fut servi, une surprise accrut encore l'effervescence. Deux commis apportèrent une sorte de mousse gelée. C'était certainement du lait et des jaunes d'oeuf mélangés à du miel, qui avaient été soigneusement tenu au froid dans une glacière - la plupart des familles romaines n'avait pas les moyens d'en disposer, le luxe que cela constituait jeta un froid parmi le groupe de Marius.
- "Tu fais de grandes dépenses pour nous recevoir" lâcha l'imperator avec la secheresse qui le caractérisait si bien.
- "Toi et tes hommes méritent les meilleurs égards, Marius."
A ce moment-là, un grand bruit se fit entendre. Tout les invités se retrounèrent dans la direction du vacarme. Septimus se tenait là devant l'assemblée, les bras balants, la plat du dessert à l'envers, les choux par terre, la crème exploséeà droite à gauche. Ses yeux commencèrent à briller et bientôt des larmes coulèrent le long de ses joues.
Septimus : "Je ne l'ai pas fait exprès, Papa! Je voulais simplement en manger le plus possible. Dis-moi que je ne serai pas puni, dis-moi Papa."
C'est alors que Marius se leva et s' approcha de Spetimus.
« Toi qui est le septième de la lignée, tiens-toi comme un homme. Sèche ces larmes. Rien en ce monde ne justifie la peine, et encore moins les larmes qui sont une excuse pour nos faiblesses. Banni la lâcheté de ta vie. Vis sans peur et sans contraintes. »
L’enfant, sans réellement comprendre tout ce qui venait d’être dit par l’imperator, avait changé de regard. Sa pupille s’était figée dans le vide. Une sorte de sécheresse l’habitait maintenant. Une lueur le traversa.
Devant ce spectacle peu ordinaire, Una alors s’exclama : on dirait qu’il est hypnotisé ! Moi je vais faire la même chose avec notre amulette ! Je vais avoir des pouvoirs magiques, vous allez voir, comme notre imperator Marius !
Perpenna qui était encore à table à ce moment-là, tendit l’oreille lorsqu’il entendit le mot « amulette » . Cela ne tombait pas dans l’oreille d’un sourd. Ce petit homme aux orbites enfoncés loin dans le crâne, avait les lèvres minces et blanches. Son petit cou lui donnait un air trapu et massif; une sentiment de force, de violence plutôt, se dégageait de sa physionomie. Mais de cette violence des êtres traqués et faibles, comme les chiens quand ils sont acculés et qu'ils ne peuvent plus rien faire; ou que leur caractère flaccide et lâche rend capable de tout.

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